Yassine Yakouti : « Le droit des Français à l’étranger, un pan du droit méconnu, mais essentiel. »

3860 0
droit des français

Yassine Yakouti, avocat, défend nos concitoyens à l’étranger et nous en parle…

Un nombre croissant de nos concitoyens font en effet le choix de vivre à l’étranger, pour des raisons personnelles ou professionnelles. Dans un contexte d’économie mondialisée, de plus en plus de Français sont d’ailleurs amenés à travailler à l’étranger, parfois pour des missions ponctuelles, parfois de façon plus durable.

“C’est un phénomène assez massif, comme nous l’explique l’avocat Yassine Yakouti. Au 1er janvier 2022, le Registre des Français établis hors de France comptait plus de 1,6 million de noms. Toutefois, l’inscription à ce registre relevant du volontariat, on peut estimer à 2,5 millions le nombre de Français de l’étranger. Certains pays apparaissent comme des destinations privilégiées, en particulier la Suisse, les États-Unis, le Royaume-Uni, la Belgique et le Canada.

De quel droit relèvent ces Français de l’étranger ?

Selon l’avocat Yassine Yakouti, la réponse est loin d’être simple.  « Il existe de très nombreux statuts pour un Français de l’étranger  expatrié, détaché, recruté local… Sans compter la multiplication de télétravailleurs qui exercent leur activité depuis un autre pays. Ces statuts différents soumettent la personne concernée à des droits et devoirs différents dans le domaine fiscal, social, dans celui du droit du travail, du droit à la santé… Dans certaines situations, vous continuez à relever du droit français pour l’essentiel. C’est le cas des travailleurs détachés, qui continuent à bénéficier de la Sécurité sociale par exemple. À l’inverse, un salarié recruté localement va intégralement dépendre des règles de son pays d’accueil pour sa protection sociale, comme pour le droit du travail. »

Que faire pour continuer à bénéficier de ses droits en France ?

Lorsque vous vous installez à l’étranger et que vous comptez y résider plus de 6 mois, votre premier réflexe doit être de vous enregistrer sur le registre des Français de l’étranger. Pour l’avocat Yassine Yakouti, cette inscription consulaire, qui peut s’effectuer en ligne, est une nécessité, bien qu’elle ne soit pas obligatoire.  « Grâce à cette inscription, vous êtes identifié en tant que Français résidant dans le pays. Cela permet aux services consulaires de vous contacter, ainsi que vos proches, en cas d’urgence. De plus, cela permet de faciliter bon nombre de démarches administratives, comme l’obtention de documents officiels ou de pouvoir participer aux élections nationales françaises. »

A lire aussi :   Quelles sont les peines encourues pour les auteurs de violence conjugale ?

« Il est évidemment fortement conseillé de contacter les différentes administrations (les impôts, l’assurance sociale, Pôle emploi, votre caisse de retraite éventuellement…) avant votre départ afin de faire le point sur le maintien de vos droits en France. »

pan du droit

Comment régler un litige avec l’administration française concernant l’accès à certains droits ou services ?

« C’est une question récurrente », comme l’explique l’avocat Yassine Yakouti. « Beaucoup de nos concitoyens ont du mal à obtenir ce à quoi ils peuvent prétendre. De plus avec la dématérialisation de l’accueil des services publics, il est bien difficile de trouver un interlocuteur qui pourra vous apporter les réponses nécessaires. Heureusement, depuis 2016, le Défenseur des droits a institué une fonction de Défenseur des droits chargé des Français de l’étranger. N’hésitez pas à le saisir si vous estimez que vos droits et libertés dans le cadre de vos relations avec les administrations françaises ne sont pas respectés. »

Et dans le cas de délits et crimes commis par un Français installé à l’étranger

Maître Yakouti, rappelle d’abord le cadre de la loi   La loi pénale française est applicable à tout crime commis par un Français hors du territoire de la République.

Cela signifie concrètement qu’en cas de crime ou délit commis à l’étranger vous devez rendre des comptes à la justice française. Mais si le crime est pénalement répréhensible dans le pays où vous résidez, c’est là que vous serez jugé, et éventuellement condamné et emprisonné.

Là encore, le droit des Français de l’étranger est plus qu’utile. Chaque Français bénéficie notamment de la protection consulaire, d’où la nécessité de bien procéder à son inscription consulaire ! Un représentant du consulat pourra ainsi vous rendre visite, s’assurer des conditions de votre détention et suivre la procédure judiciaire vous concernant.

Pour Yassine Yakouti, cela ne suffit pas toujours.  Il est recommandé de mettre toutes les chances de son côté en ayant recours à deux avocats. D’abord un avocat français, qui maintient le lien avec les autorités françaises, les proches. C’est lui qui va également s’assurer de la bonne mise en œuvre de la protection consulaire. Mais il faut également s’appuyer sur un avocat local qui connaisse le droit et les arcanes spécifiques de la justice locale.

Avez-vous des exemples concrets de Français de l’étranger ayant bénéficié d’une telle défense ?

Bien sûr, les exemples ne manquent pas. Trois cas me viennent immédiatement à l’esprit. ”, explique l’avocat Yassine Yakouti.

Les accusations d’espionnage, rarement prouvées. Cela a été le cas pour Benjamin Brière, arrêté en 2020 lors d’un voyage en Iran. Accusé d’espionnage par les autorités, il a été condamné à 8 ans de prison. Protection consulaire, interventions de ses avocats, mobilisation des autorités françaises et de sa famille, tout a été mis en œuvre pour le faire sortir de là. Cette mobilisation a payé puisque Benjamin a été libéré en mai dernier.

A lire aussi :   Les différences entre un avocat généraliste et spécialiste

Deuxième grand classique, le trafic de drogue. Malheureusement, certains continuent à prendre des risques insensés en transportant de la drogue dans des pays où la répression est extrêmement stricte. Je pense notamment à Michaël Blanc arrêté en Indonésie en 1999 pour trafic. Très lourdement condamné, il a dû attendre presque 19 ans pour pouvoir revenir en France, malgré les multiples actions de ses avocats.

Enfin, dernière possibilité, celle du fait divers. Je crois que l’actualité récente nous a rappelé qu’un véritable tueur en série français, Charles Sobhraj a bénéficié d’une libération pour raisons de santé de la part de la justice népalaise. Il avait pourtant été condamné à la prison à perpétuité en 2004 pour plusieurs meurtres. Son histoire a d’ailleurs fait l’objet d’une adaptation en série. Je crois que cela s’appelle Le Serpent. Une vraie réussite d’ailleurs !

Aucun commentaire

Laissez un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *